De toutes les méthodes de fabrication et de prototypage existantes, l'impression 3D est de loin celle dont il a été le plus question dans les médias, dont le plus grand nombre de projets a été vu en ligne et qui est la plus accessible à tout un chacun. Bien que cette technologie puisse paraître nouvelle, elle remonte en fait aux années 1980, lorsqu'une entreprise du nom de 3D Systems a déposé une demande de brevet concernant la construction de maquettes en 3D grâce à un procédé appelé stéréolithographie.
Si les imprimantes 3D ne sont devenues disponibles que récemment pour les particuliers, cela tient à ces brevets qui ont empêché leur développement, leur fabrication et leur distribution. C'est un exemple particulièrement parlant de la façon dont les brevets peuvent retarder la technologie et qui militerait contre leur utilisation. La technologie existe donc depuis les années 1980, mais il a fallu 30 ans pour que quelqu'un puisse la faire évoluer.
La plupart des imprimantes 3D fonctionnent par découpage d'une conception 3D en un grand nombre de petites tranches 2D horizontales, qu'elles impriment ensuite les unes par dessus les autres. Les plus courantes utilisent un matériau thermoplastique enroulé autour d'une bobine, puis extrudé à travers une buse chaude. Certains modèles peuvent réaliser ces constructions avec du papier, chaque couche étant découpée dans le papier, puis collée à la suivante. Certains systèmes plus exotiques peuvent utiliser le frittage de poussière métallique par laser.
Qu'est-ce que l'électronique imprimée en 3D ?
L'électronique imprimée en 3D consiste à fabriquer des composants électroniques via un processus additif à l'aide d'une imprimante. Toutefois, l'expression « électronique imprimée en 3D » peut facilement prêter à confusion puisque l'on pourrait estimer que l'électronique imprimée en 2D n'est pas imprimée en 3D.
La vérité est que la plupart (sinon la totalité) des composants électroniques imprimés en 2D sont en 3D, ce qui s'explique par la nécessité de placer de multiples couches les unes sur les autres. La même remarque s'applique aux transistors placés sur des semi-conducteurs. Bien qu'ils soient considérés comme des objets 2D, il s'agit en réalité de structures 3D dont la construction nécessite des processus d'addition et de soustraction (pour les couches de porte, de source et d'isolation).
À ce jour, la plupart des composants électroniques imprimés n'ont encore que peu d'applications pratiques et sont rarement utilisés dans la réalité. L'électronique classique est en effet plus facile à fabriquer, moins chère et plus fiable. Un certain nombre de recherches visent toutefois à tenter de créer des dispositifs utilisables concrètement. Les chercheurs ont déjà créé des résistances, des condensateurs, des diodes et des transistors à l'aide de méthodes d'impression 3D et, bien que de nombreux matériaux aient été utilisés, ces composants sont en général à base de graphène ou d'un polymère organique. Le graphène leur permet de créer des portes et des canaux étroits, tout en autorisant les procédés de dopage (essentiels pour modifier la conduction du graphène). Les polymères organiques peuvent être facilement distribués sous forme de solution (idéale pour les imprimantes à jet d'encre). Ils apportent également de la souplesse.
Exemples d'électronique imprimée
Bien que les recherches sur l'électronique imprimée abondent, on n'en trouve que de rares applications commerciales puisque les capacités électroniques de ces composants sont extrêmement éloignées de celles des systèmes électroniques standard. La technologie n'en est en outre qu'à ses débuts et ne se rencontre donc que dans les laboratoires de recherche ou sous forme de prototypes. Si l'on cherche celles qui ont le plus de chances de trouver une application pratique, deux noms se distinguent particulièrement, ceux de PragmatIC et de l'université Duke.
PragmatIC
PragmatIC est une société britannique qui produit des solutions d'électronique imprimée pour des applications à usage unique et des composants électroniques jetables, tels que les balises RFID. L'une des caractéristiques originales des productions de PragmatIC est que l'entreprise utilise un substrat flexible, ce qui confère une souplesse absolue aux produits finis. Sa technologie d'électronique flexible couvre en outre tous les composants essentiels, dont des résistances, des condensateurs et des transistors. Bien qu'aucun appareil fonctionnel n'ait encore fait l'objet d'une démonstration complète, PragmatIC a produit une feuille de processus de cœurs ARM à l'aide de son procédé et déclaré que chaque dispositif consommait 21 mW, avec un rendement énergétique de seulement 1 %.
Ce qui fait l'originalité de PragmatIC par rapport aux méthodes de fabrication classiques de semi-conducteurs est que les composants sont imprimés plutôt que d'utiliser des étapes de traitement intensives comme celles employées dans les fonderies de semi-conducteurs. En outre, bien que les composants électroniques de PragmatIC soient réalisés couche par couche, l'utilisation d'éléments chimiques organiques et de transistors extrêmement fins ouvre la voie à des appareils entièrement fonctionnels qui pourraient être fabriqués à l'aide d'équipements semblables à des imprimantes 3D standard.
Université Duke
L'université Duke présente l'un des exemples les plus convaincants d'électronique imprimée à usage pratique dont le cycle de vie excède celui d'un produit type. En 2021, l'établissement a fait la démonstration d'une nouvelle méthode permettant de créer des composants électroniques imprimés, dont des résistances, des condensateurs et des transistors, à l'aide d'une méthode comparable à celle des imprimantes 3D. Ces composants sont fabriqués à partir du carbone à l'aide d'un système de pulvérisation d'aérosols (autrement dit, semblable à la technologie du jet d'encre) et les couches isolantes sont en cellulose.
Non seulement les chercheurs sont capables d'imprimer les composants sur un morceau de substrat flexible, mais ils peuvent aussi ajouter des couches isolantes, ce qui peut conduire à superposer un plus grand nombre de dispositifs afin de créer un véritable circuit 3D. Bien que les transistors créés par l'équipe soient de très grande taille (de l'ordre de plusieurs millimètres au lieu de micromètres), ils sont totalement fonctionnels et le restent même lorsqu'ils sont manipulés mécaniquement.
La caractéristique la plus marquante des circuits imprimés est que les conceptions sont entièrement recyclables. L'utilisation de composés organiques et de graphène permet aux chercheurs de dissoudre les vieux circuits et de récupérer les encres pour de nouvelles impressions. L'électronique imprimée du futur pourrait ainsi être entièrement recyclable, ce qui éviterait la mise en décharge des vieux composants lorsque de nouveaux modèles les remplacent.
Applications pratiques de l'électronique imprimée en 3D
Pour comprendre ce que pourraient apporter les applications de l'électronique imprimée en 3D, nous devons d'abord connaître leurs avantages :
- Prototypage rapide des circuits
- Personnalisation totale de la conception finale
- Possibilité d'empiler les conceptions (autrement dit de créer des pièces actives dans toutes les dimensions)
- Suppression du besoin d'utiliser des processus très complexes
- Recyclabilité potentielle totale
La première application potentielle de l'électronique imprimée en 3D est la possibilité de créer des conceptions personnalisées sur des sites distants. Les imprimantes 3D pourraient, par exemple, se révéler extrêmement utiles lors de futures missions spatiales visant à coloniser des corps célestes tels que Mars et la Lune. Ces systèmes permettraient aux colons de créer leurs propres produits électroniques sans devoir compter sur la Terre pour produire des circuits imprimés et d'autres composants.
La possibilité de créer rapidement des conceptions peut faire de l'électronique imprimée en 3D la solution idéale pour les réparations et les remplacements d'urgence. Par exemple, des navires et des campements militaires peuvent utiliser des systèmes d'impression 3D pour remplacer ou réparer des pièces d'équipement défectueuses. Sachant que les environnements militaires peuvent être à la fois hostiles et difficiles d'accès, il peut s'avérer impossible d'y envoyer des pièces détachées. Une installation ou une plateforme militaire équipée d'imprimantes 3D pourrait donc représenter un avantage dans ce type d'environnement.
À mesure que la technologie progresse, les fabricants éliminent de leurs catalogues les composants électroniques anciens dont l'usage n'est plus assez répandu. Bien que les conceptions modernes ne soient pas concernées, les systèmes vieillissants qui restent nécessaires (comme les centrales électriques ou les infrastructures critiques) peuvent devenir vulnérables si certains de leurs composants cessent d'être fabriqués. L'utilisation de l'électronique imprimée en 3D pourrait permettre d'imprimer ces pièces détachées et donc de poursuivre l'exploitation de ces systèmes vieillissants le temps que d'autres solutions soient trouvées.
L'une des possibilités les plus intéressantes offerte par l'électronique imprimée est sa capacité à fonctionner avec des imprimantes 3D standard. Un modèle à plusieurs buses pourrait imprimer en même temps des structures plastiques et des composants, ce qui permettrait de construire une conception entière en une seule étape. L'électronique, y compris les composants et les fils, pourrait facilement être intégrée à un endroit quelconque de la structure imprimée en 3D, offrant ainsi la possibilité de créer des conceptions trop difficiles à fabriquer aujourd'hui. Il deviendrait également possible d'imprimer des composants verticalement sur des murs et de permettre aux ingénieurs d'utiliser les trois dimensions au lieu de deux sur une PCB.
Pourquoi nous devrions tempérer les espoirs que nous plaçons dans l'électronique imprimée en 3D
Bien que l'idée de composants électroniques imprimés en 3D semble fascinante et plein de promesses, il convient néanmoins de ne pas trop en attendre. De toutes les difficultés rencontrées par l'électronique imprimée en 3D, la principale, et de loin, est le fait que cette technologie n'offre qu'une très faible densité de transistors. Cela signifie que sa capacité à traiter des données est nettement inférieure à celle des processeurs modernes et qu'elle ne peut donc pas représenter une solution réaliste pour les appareils du commerce.
Il est par conséquent peu probable que l'électronique imprimée en 3D puisse jamais remplacer le silicium. Les processus de fabrication actuels produisent très efficacement des composants électroniques à des prix extrêmement bas. Les processeurs modernes peuvent coûter plusieurs centaines de dollars, mais la plupart des microcontrôleurs coûtent moins d'un dollar. Avec le temps, le prix de ces processeurs baisse jusqu'à ce qu'ils deviennent suffisamment bon marché pour être utilisés dans du matériel d'usage quotidien.
Une autre difficulté que rencontre l'électronique imprimée en 3D est la même que celle des imprimantes 3D en général : leurs conceptions sont structurellement peu résistantes. Il est vrai que les pièces imprimées en 3D peuvent être fabriquées en métal et que celles imprimées en plastique sont beaucoup plus résistantes qu'elles n'en ont l'air mais, fondamentalement, ces pièces sont des prototypes. Une pièce moulée par injection de plastique l'emportera toujours sur une impression 3D parce que cette dernière doit obligatoirement être imprimée par couches. Par exemple, le plastique de chaque couche est extrêmement solide, mais les couches de plastique adjacentes ne sont pas totalement fondues entre elles, ce qui laisse des frontières granuleuses. Une force exercée le long des couches d'une conception imprimée en 3D peut donc facilement déchirer cette conception. Ces mêmes effets risquent de nuire aux composants électroniques imprimés en 3D, surtout ceux qui sont fabriqués par couches.
Conclusion
L'électronique imprimée en 3D en est encore à ses balbutiements, mais il ne fait pas de doute que les travaux actuels des chercheurs dans ce domaine sont extrêmement intéressants. Il est toutefois peu probable que cette technologie commence à remplacer l'électronique dans les produits du commerce avant 10 ou 20 ans. Il est plus raisonnable de supposer qu'elle sera utilisée dans des applications de niche, telles que l'impression des antennes de smartphones ou de balises RFID sur les produits, applications beaucoup moins exigeantes que les processeurs ou la mémoire.