À un moment où les sous-systèmes conçus pour le secteur aéronautique deviennent de plus en plus compacts, puissants et complexes, la gestion thermique ne peut plus passer au second plan. Surtout, quand les applications de ce secteur tendent à dégager une chaleur excessive, ces problèmes de gestion thermique doivent être résolus dès les premières étapes du processus de conception.
La prochaine génération d'avions commerciaux devrait nécessiter beaucoup plus d'énergie que les appareils actuels. Pour les applications aéronautiques gourmandes en calcul, la gestion thermique pourrait même devenir encore plus cruciale que la production d'énergie.
En outre, les limitations de conception dans ce domaine sont indissociables des contraintes de taille, de poids et de consommation électrique (SWaP) liées aux systèmes embarqués à bord des appareils et aux circuits intégrés monolithiques à micro-ondes (MMIC) RF. Si les ingénieurs de conception peuvent réduire la taille des systèmes de refroidissement contenus dans les alimentations électriques, cela se répercutera sur toute la chaîne car une baisse des coûts des nomenclatures pourra se traduire par une diminution des besoins de gestion thermique.
Il convient de noter que lorsqu'il s'agit de gestion thermique, les problématiques sont multiples. Ils peuvent aller des plaques froides agissant comme des boîtiers à refroidissement hydraulique jusqu'aux systèmes de tuyauterie qui déplacent le liquide et la vapeur vers l'endroit où se trouve l'échangeur thermique. Il existe également des dissipateurs thermiques, dont la fonction est d'évacuer la chaleur.
Cet article explique toutefois surtout comment un choix judicieux de composants et de savoir-faire en matière de conception de systèmes peut permettre aux développeurs de créer des solutions de gestion thermique adaptées à des conditions extrêmes pour l'aviation commerciale. Il montrera également comment les ingénieurs systèmes peuvent améliorer les performances des amplificateurs de puissance RF (PA) et des systèmes aéronautiques profondément intégrés en limitant la quantité de dissipation thermique.
Gestion thermique avec SiC et GaN
La gestion thermique est aujourd'hui nettement plus cruciale au niveau des composants car des géométries de puces toujours plus compactes génèrent davantage de chaleur pour un même encombrement. La hausse des températures générées ralentit à son tour la vitesse des processeurs, en particulier sur les points chauds des puces, là où la chaleur se concentre et où les températures augmentent en flèche.
Toutefois, alors que la gestion thermique rencontre aujourd'hui un goulot d'étranglement, les semiconducteurs large bande (wideband gap ou WBG), tels que les modèles SiC (carbure de silicium) et GaN (nitrure de gallium), viennent à la rescousse en améliorant sensiblement l'efficacité des systèmes et la densité de puissance dans les applications aéronautiques. Un matériau semi-conducteur capable d'évacuer rapidement la chaleur de la puce est une aubaine pour l'électronique aéronautique qui entasse de nombreux dispositifs les uns contre des autres et génère des kilowatts de chaleur.
Pour commencer, les dispositifs SiC et GaN permettent de remplacer le refroidissement passif par un refroidissement actif dans les conceptions de puissance grâce à la conductivité thermique nettement supérieure des matériaux WBG. Les concepteurs de systèmes de puissance peuvent donc remplacer les systèmes de refroidissement hydraulique. Ensuite, l'amélioration de la fréquence de commutation réduit la taille des systèmes et le nombre total d'aimants et de condensateurs. La quantité de métal dans les dissipateurs thermiques et les boîtiers s'en trouve également diminuée.
Autrement dit, une meilleure gestion thermique entraîne aussi la diminution du nombre de composants de support nécessaires, ce qui signifie que le système contient moins de pièces susceptibles de tomber en panne. Les alimentations électriques plus légères, par exemple, nécessitent des aimants moins gros, ce qui diminue la taille des dissipateurs thermiques, lesquels peuvent même être supprimés dans certains cas.
La stabilité de fonctionnement des dispositifs SiC et GaN à des températures plus élevées est tout spécialement critique pour les conceptions d'avionique soumises à des contraintes de SWaP. Ces dispositifs d'alimentation large bande réduisent le poids des sous-systèmes, ce qui limite par conséquent la consommation de carburant et le dégagement de chaleur des systèmes aéronautiques. Il n'est donc pas surprenant que les conceptions aéronautiques choisissent de plus en plus des semiconducteurs SiC et GaN pour réduire la taille des convertisseurs de puissance en fonction des charges à transporter.
La capacité du matériau WBG à compléter une densité de puissance élevée par une forte conductivité thermique permet aux dispositifs SiC et GaN de dissiper la chaleur plus efficacement qu'aucune autre technologie de puce. Cela permet à ces semiconducteurs de fonctionner à des températures plus basses pour une puissance de sortie donnée, ce qui se traduit par une plus grande fiabilité, des tensions de rupture plus élevées et un Temps moyen maximal entre les échecs (MTBF) supérieur à celui offert par les dispositifs GaAs et silicium (figure 1).

Figure 1 : comparaison des tensions nominales de rupture pour les dispositifs silicium, SiC et GaN. Source de l'image : Research Gate
Transistors MOSFET SiC pour l'alimentation en avionique
Le secteur de l'aviation commence à reconnaître les avantages potentiels des semiconducteurs SiC pour les systèmes d'alimentation électrique. Par exemple, les transistors MOSFET SiC à faible résistance à l'état passant offrent moins de pertes par conduction et réduisent les effets des variations de température. Cela se traduit par un moindre effort de gestion thermique, ce qui, en retour, induit l'utilisation de dissipateurs thermiques plus petits et plus économiques, ainsi que l'emploi d'éléments de refroidissement en moins grand nombre et moins coûteux.
Les transistors SiC MOSFET promettent de réduire sensiblement la taille et le poids des interrupteurs d'alimentation pour l'avionique, facilitant ainsi de nettes réductions de la consommation de carburant et de la production de chaleur. Leur conductivité thermique élevée et leur forte résistance aux ruptures de champ électrique permette d'intégrer la gestion thermique afin d'améliorer les performances des composants électroniques aéronautiques.
Prenons l'exemple du MSC040SMA120B, le transistor MOSFET SiC 1 200-V de Microsemi, une filiale de Microchip. Il promet une gestion thermique plus efficace pour les applications de distribution d'alimentation, d'actionnement, de climatisation et de contrôle moteur dans les conceptions aéronautiques.
Pour les dispositifs SiC utilisés dans les applications de distribution électrique et d'entraînement moteur, la gestion du circuit de conditionnement de la commande de porte est devenue un problème crucial. Les MOSFET SiC MSC040SMA120B présentent des caractéristiques élevées de mobilité de canal, de durée de vie des oxydes et de stabilité de la tension de seuil qui répondent à ce problème.
Microchip a également intégré les MOSFET SiC MSC040SMA120B dans sa carte de nouveaux modèles de référence MSCSICMDD/REF1 pour pilote côté bas/côté haut configurable par commutateur avec demi-ponts ou entraînement indépendant (figure 2). MSCSICMDD/REF1, un pilote double porte MOSFET SiC à forte isolation, peut être configuré à l'aide de commutateurs pour piloter sous forme de configuration de demi-pont avec un côté actif et une protection par temps mort.

Figure 2 : le modèle de référence facilite un commutateur de pilote double porte MOSFET SiC à forte isolation pour fournir un moyen d'évaluer les MOSFET SiC dans plusieurs topologies. Source de l'image : Microchip
GaN pour l'amplification de puissance
Les dispositifs GaN tels que les semiconducteurs SiC peuvent tolérer des températures de fonctionnement bien plus fortes, tout en offrant une conductivité thermique et une tension de rupture élevées. En outre, un semi-conducteur GaN peut être créé sur un substrat SiC plutôt que sur le sien. La conductivité thermique supérieure des substrats SiC favorise les dispositifs GaN-on-SiC lorsqu'il s'agit de servir les applications à tension et puissance élevées courantes dans les conceptions aéronautiques commerciales.
Prenons, par exemple, la technologie GaN 65 V, à l'origine d'une nouvelle génération de systèmes radar qui ouvrent de nouvelles opportunités de conception dans une large gamme d'applications pour l'aviation commerciale. Ici, les transistors GaN à haute mobilité électronique (HEMT) sur substrats SiC offrent une dissipation thermique fluide assurant une fiabilité à long terme.
Le CGHV96100F2 deWolfspeed, un HEMT GaN fabriqué sur des substrats SiC, présente une tension de rupture élevée, une haute vitesse de dérive électronique saturée et une forte conductivité thermique (figure 3). Il est en outre disponible sous forme de boîtier avec bride en métal ou en céramique pour améliorer les performances électriques et thermiques.

Figure 3 : le transistor GaN accepte une puissance de sortie de 100 watts et une fréquence de fonctionnement allant de 7,9 GHz à 9,6 GHz.
Source de l'image : Wolfspeed
Les dispositifs GaN (HEMT et MMIC) sont de plus en plus appréciés dans les conceptions aéronautiques telles que les radars, en avionique, dans la mesure où ils offrent un moyen facile de stimuler la puissance RF en augmentant la tension sur les PA par rapport aux technologies silicium-germanium (SiGe), arséniure de gallium (GaAs) et MOSFET silicium à diffusion latérale (LDMOS).
Les conceptions aéronautiques utilisent de plus en plus des PA à plus haute puissance dans les charges utiles et les extrémités d'ailes présentant des exigences strictes de gestion thermique. En plus de faciliter une tension et une amplification de puissance supérieures, les dispositifs GaN se révèlent également cruciaux pour développer des solutions légères absolument critiques dans des conceptions aéronautiques où la place est comptée.
Conclusion
Le besoin d'une plus haute densité ne peut qu'appeler de nettes améliorations des solutions de refroidissement dans les systèmes aéronautiques embarqués. Soucieuse d'économiser l'espace, l'industrie aéronautique exige également des conceptions plus légères qui allégeront inévitablement les difficultés de gestion thermique.
Comme le montre cet article, les dispositifs SiC et GaN répondent à ces besoins lorsqu'il s'agit de résoudre des problèmes complexes de gestion thermique dans les systèmes aéronautiques embarqués. Toutefois, ces dispositifs WBG n'en sont encore qu'à leurs débuts et ne sont pas encore banalisés. Les concepteurs de systèmes aéronautiques doivent donc choisir leurs composants avec soin afin de s'assurer que les dispositifs qu'ils sélectionnent répondent à leurs besoins spécifiques de gestion thermique.