La norme de la technologie de cinquième génération (5G) connaît une évolution continue depuis maintenant plusieurs années. Avec la normalisation de la 3GPP version 16 et le fait que l'ITU juge la nouvelle norme 3GPP 5G New Radio (NR) officiellement compatible avec les normes IMT-2020 initialement fixées en 2015, il semble que le bond technologique vers la 5G puisse être réalisé beaucoup plus facilement.
C'est une myriade de protocoles avancés, de technologies radio et d'améliorations des infrastructures qui est mise à contribution pour atteindre les indicateurs de performance clés (KPI) fixés par la norme IMT-2020. Cet article traite du réseau de backhaul de la 5G et de la façon dont les exigences en matière de latence et de débit peuvent être satisfaites grâce à des types spécifiques de gNB et de technologies de backhaul.
Quel est l'intérêt de la 5G ?
Sous sa forme la plus élémentaire, le but de la 5G est d'offrir l'impression d'une connectivité fluide pour l'utilisateur malgré des obstacles apparents. Ces obstacles varient selon le scénario. Dans un environnement urbain, il peut s'agir de problèmes de congestion et d'interférences au sein du spectre utilisé. Dans un contexte rural, il peut s'agir d'une insuffisance d'accès généralisée due à l'impossibilité d'atteindre la station de base locale. Cela peut également être une lenteur de connexion provoquée par le téléchargement en continu d'application lourdes en données, telles que la vidéo HD, la réalité augmentée ou virtuelle (AR/VR), la conduite autonome ou l'utilisation de l'Internet tactile (TI). Un autre cas pourra également être celui d'une application industrielle tentant de recevoir des données depuis des milliers de capteurs en vue de suivre ou de surveiller des équipements de machines de façon fluide.
Tous les scénarios ci-dessus s'accompagnent de considérations de conception respectives en matière d'architecture de stations de base, de backhaul et d'utilisation du spectre. C'est pourquoi un grand nombre des paramètres de conception et des normes émises est lié aux paramètres de performance clés de la 5G. Ces KPI forment les limites nominales et supérieures des différents cas d'utilisation de la 5G. Ces cas d'usage sont typiquement définis comme suit :
- • Enhanced Mobile Broadband (eMBB)
- • Ultra-Reliable Low Latency Communications (uRLLC)
- • Massive Machine Type Communications (mMTC)
De tous les types de streaming (par ex., audio, navigation Web, réseaux sociaux, téléchargement de logiciels), le streaming vidéo devrait représenter 74 % du trafic des données mobiles d'ici 2024[1]. On estime en outre que d'ici 2023, 70 % de la population mondiale disposera d'une connectivité mobile, ce qui portera le nombre d'appareils en réseau à près de 30 milliards, soit plus de 60 % de plus qu'en 2018[2]. C'est pourquoi le scénario du cas d'utilisation eMBB repose sur le respect des demandes de débit de données élevés malgré de hautes capacités.
À l'inverse, le mMTC envisage la connexion simultanée de dizaines de milliards d'appareils qui, en général, ne transmettent ou ne reçoivent pas de forts volumes de données et n'impliquent donc que des débits relativement faibles. Cela est dû à l'augmentation du nombre d'appareils IoT (Internet des objets) : 50 milliards d'entre eux devraient devenir compatibles avec l'IoT d'ici 2030[3]. Comme leur nom l'indique, les scénarios uRLLC exigent des communications fiables avec une faible latence. Cela peut s'appliquer, par exemple, au domaine médical ou aux objets portables, à des objectifs stratégiques (dans le secteur militaire), à la sécurité publique ou à l'automatisation des sites industriels, domaines dans lesquels tout retard ou panne de communication crée un risque pouvant se traduire par la mise à l'arrêt d'usines, la dégradation d'équipements ou la perte de vies humaines.
Respecter les indicateurs de performance clés
L'IMT-2020 (International Mobile Telecommunications-2020) normalise les exigences applicables à un réseau 5G telles que fixées par l'ITU (International Telecommunication Union) en 2015. Il s'agit toutefois d'un travail effectué en collaboration par l'ITU et l'autre grand organisme de normalisation des communications cellulaires, le 3GPP (projet de partenariat de 3e génération). En juillet 2020, c'est-à-dire récemment, l'ITU a conclu que la 3GPP 5G (versions 15 et 16) répondait aux exigences des phases 1 et 2 de la 5G, ce qui la rendait viable pour répondre aux exigences technologiques de la norme IMT-2020[4]. Les KPI généraux de la 5G, tels que fixés par l'IMT-2020, sont visibles sur la figure 1.
Figure 1 : exigences relatives à la 5G.
Un certain nombre d'améliorations technologiques et d'étapes ont été franchies pour répondre aux KPI de la 5G. La figure 2 répertorie certaines des améliorations de la 3GPP et montre comment les différents aspects concernant la radio et les systèmes contribuent à répondre aux besoins de tous les secteurs industriels verticaux et aux trois principaux cas d'utilisation.
Figure 2 : intégration des secteurs industriels verticaux et de la 3GPP vers.-16 [4]. [Crédit image : ITU]
Technologie habilitante clé pour la 5G
Il existe plusieurs piliers technologiques majeurs permettant d'atteindre les KPI de la 5G dans divers cas d'utilisation, notamment le MIMO massif et l'utilisation du spectre à ondes millimétriques. En outre, l'extension de l'infrastructure 4G actuelle avec la 5G NR (New Radio) dans la 5G Non-Standalone (NSA) représente une phase essentielle pour pouvoir atteindre ultérieurement une véritable 5G. Cet article n'a pas pour objet de décrire en détail ces technologies et leur mise en œuvre dans l'infrastructure 5G. Toutefois, la connexion des divers gNB 5G à la 5GC doit impérativement être réalisée pour répondre aux exigences de débit, de latence et d'utilisation efficace du spectre. C'est là que l'architecture de backhaul 5G joue un rôle fondamental. Ce type de structure de backhaul varie selon un certain nombre de paramètres. La figure 3 montre quelques-unes des plages minimales utilisées par l'infrastructure 5G-PPP (Public Private Partnership) pour qualifier les KPI de base afin de cataloguer leurs six principaux cas d'utilisation (par ex., environnement urbain dense, large bande, véhicules connectés, bureaux intelligents, IoT, IT)[5].
Figure 3 : paramètres à prendre en compte selon les différents cas d'utilisation de la 5G[5].
Détails techniques du backhaul 5G : la séparation fonctionnelle
L'architecture du réseau d'accès radio de nouvelle génération (NG-RAN) 3GPP est une topologie de réseau désagrégée dans laquelle une station de base NR 5G (gNB) voit ses fonctionnalités partagées entre une unité centralisée (CU) et une ou plusieurs unités distribuées (DU), avec la possibilité supplémentaire d'une unité radio (RU) distincte.
En général, la CU se charge du traitement des protocoles qui ne sont pas en temps réel, tandis que les DU sont conçues pour traiter les protocoles de niveau PHY et les services en temps réel pour répondre aux besoins de faible latence d'applications spécifiques. Les scénarios de déploiement varient en fonction du type de station de base et de l'opérateur du réseau mobile (MNO). Dans chacun de ces cas, le réseau de fronthaul, midhaul et backhaul varie. Le tableau 1 répertorie les diverses topologies des scénarios de déploiement du RAN. Dans chacune d'elles, l'utilisation d'un réseau de fronthaul ou de midhaul varie en fonction du type de déploiement. Par exemple, un point chaud ou une petite cellule pourront disposer d'une RU, d'une DU et d'une CU dans une situation où n'existe ni fronthaul, ni midhaul, mais uniquement un backhaul vers la 5GC.
Tableau 1 : scénarios de déploiement d'un RAN
Comme le montre la figure 4, la séparation fonctionnelle au sein du gNB peut être une séparation de la couche inférieure (low layer split ou LLS) ou de la couche supérieure (high layer split ou HLS) au sein du modèle d'interconnexion de systèmes ouverts (open systems interconnection ou OSI), un modèle qui fait apparaître les couches fonctionnelles d'un système de mise en réseau. Une HLS autorise en général une latence plus faible et un débit de communication plus élevé qu'une LLS. La séparation intra-PHY, soit une séparation fonctionnelle au sein de la couche physique, présente l'avantage de prendre en charge des fonctionnalités NR telles que l'agrégation des porteurs (carrier aggregation ou CA), la mise en réseau à plusieurs entrées et plusieurs sorties (multiple input multiple output ou MIMO), la liaison multipoint coordonnée (coordinated multipoint ou CoMP) et la double connectivité (dual-connectivity ou DC). Traditionnellement, le protocole CPRI était utilisé pour assister la communication entre l'unité de bande de base (baseband unit ou BBU) et la tête radio distante (remote radio head ou RRH). Toutefois, puisqu'il n'évolue pas avec les gNB équipés d'une séparation intra-PHY, le protocole CPRI amélioré (eCPRI) a depuis été normalisé de façon à soutenir la décomposition fonctionnelle du réseau de fronthaul (communication entre la RU et la DU).
Figure 4 : points de séparation entre les fonctions CU et DU avec une (a) séparation de couche supérieure (b) séparation de couche inférieure et (c) séparation en cascade[6]. [Crédit image : ITU]
Ces séparations fonctionnelles de la couche physique exigent une coordination entre les couches supérieures, ce qui rend les exigences de latence extrêmement strictes. Par exemple, la 3GPP fixe des limites à l'erreur d'alignement temporel (Time Alignment Error ou TAE), soit la plus grande différence temporelle entre deux signaux NR quelconques pour un mode spécifique de configuration/transmission (de l'ordre d'une centaine de nanosecondes pour ces signaux NR) car les trames de ces signaux dans le domaine des radiations ne sont pas parfaitement alignées dans le temps[7]. Cela nécessite un degré élevé de synchronisation puisque le retard de trame unidirectionnel maximal pour les communications peut être descendre jusqu'à 25 µs (uRLLC), avec une synchronisation temporelle de bout en bout de 1,5 µs[8].
Letableau 2 répertorie la latence unidirectionnelle de plusieurs types de backhaul en fonction des données d'opérateurs figurant dans les normes 3GPP, ainsi que le backhaul sans fil dans les fréquences sub-GHz et mmW[9]. Le processus Hybrid ARQ (HARQ) situé dans le MAC est activé dans la 5G afin de répondre aux exigences de faible latence. Ce processus nécessite une durée d'aller-retour de 5 ms, correspondant à une distance de 40 km de fibre entre la CU et la DU[10]. Autrement dit, il existe une large diversité de signaux NR et de scénarios d'utilisation qui impliquent à la fois des signaux synchronisés et non synchronisés entre de petites cellules, ainsi qu'entre ces dernières et des macrocellules. Le xhaul doit varier en conséquence, lorsque des petites cellules et des macrocellules utilisant des opérations telles que la coordination des interférences, la CA et la CoMP peuvent être améliorées grâce à des déploiements synchronisés de clusters de petites cellules et la coordination des communications. Cela passe par un arrangement gNB spécifique entre la CU, la DU et la RU, avec une décomposition fonctionnelle particulière, ainsi qu'une infrastructure adéquate pour le backhaul (fibre ou sans fil).
Tableau 2 : technologie de backhaul et latence et débit unidirectionnels respectifs[9].
Le choix de la technologie de backhaul : fibre ou sans fil
Tout comme la 5G utilise une multitude de technologies radio et d'espaces de spectre pour offrir une connectivité fluide, l'infrastructure de fronthaul, de midhaul et de backhaul est flexible entre les technologies filaire et sans fil. Selon la région et le scénario d'utilisation, des configurations et des types connus de gNB sont utilisés. Comme le montre le tableau 3, cela peut varier entre une petite cellule ou une macrocellule, lorsque le gNB peut utiliser le spectre mmW, le MIMO 5G ou même être un eNB[11][12]. Les environnements urbains denses peuvent atteindre des capacités élevées en toute fiabilité grâce à une infrastructure lourde de petites cellules avec accès par fibre à la 5GC sur de courtes distances de transmission pour des communications à faible latence. Les environnements péri-urbains et ruraux, eux, ont de graves problèmes d'accessibilité. Dans ces cas, des débits de données élevée peuvent être obtenus à travers un backhaul via une macrocellule et, plus récemment, grâce à un backhaul satellite utilisant des constellations de satellites haut débit (high throughput satellite ou HTS) en orbite géostationnaire (Geosynchronous Orbiting ou GEO) ou en orbite terrestre basse (low earth orbiting ou LEO).
Tableau 3 : diverses zones de couverture avec leurs paramètres respectifs[11][12].
Dans tous les cas, la 5G impose un plus grand nombre d'installations Deep Fiber avec des options de backhaul à micro-ondes et d'ondes millimétriques. Selon une étude d'ABI, les réseaux de backhaul par fibre devraient croître jusqu'à 39,6 % des liaisons de backhaul pour les macrocellules d'ici 2025, le backhaul par micro-ondes s'octroyant 45,1 % de ce marché. La troisième plus grande technologie de backhaul annoncée est le backhaul à ondes millimétriques, avec 6,1 %. Le coût et les délais des déploiements par fibre sont souvent prohibitifs pour la phase initiale de la 5G. C'est pourquoi l'Integrated Access Backhaul (IAB) a été spécifié dans le cadre de la norme 3GPP version 16. Ce type de backhaul utilise les gNB déjà établis (par ex., petites cellules, terminal sans fil fixe, macrocellule, etc.) pour acheminer un signal via une série de sauts en utilisant la même bande de fréquences ou des bandes différentes.
Respecter les exigences de latence, de débit et de distance pour la 5G avec le backhaul
L'utilisation raisonnée d'un xhaul à fibre ou sans fil est essentielle pour répondre aux besoins de débit et de latence de la 5G sur de vastes distances et/ou à travers des obstacles bloquant le signal. Ce problème complexe trouve sa solution grâce à de nombreuses techniques et technologies, dont l'IAB, le backhaul à micro-ondes, le backhaul à ondes millimétriques et le choix de réseaux fronthaul ou midhaul (voire les deux) pour une LLS ou une HLS dans un gNB.
De façon générale, les environnements urbains denses reposent fortement sur de petites cellules de fibre pour le backhaul et la connectivité, tandis que les environnements plus ruraux s'appuient sur des connexions sans fil à travers une liaison sans fil à ondes millimétriques ou à micro-ondes.
Références
- https://www.ericsson.com/491e34/assets/local/mobility-report/documents/2018/ericsson-mobility-report-november-2018.pdf
- Cisco. « Annual Internet Report (2018–2023) White Paper. » Mars 2020.
- https://www.statista.com/statistics/802690/worldwide-connected-devices-by-access-technology/
- https://www.itu.int/en/ITU-T/Workshops-and-Seminars/201807/Documents/3_Erik_Guttman.pdf
- 5G PPP, « Version 1: 5G PPP use cases and performance evaluation models. »
- ITU-T GSTR-TN5G, « Transport network support IMT-2020/5G. » Fév. 2018.
- 3GPP, « TS 38.104 V16.5.0:Technical Specification Group Radio Access Network; NR; Base Station (BS) radio transmission and reception. » 3GPP, sept. 2020.
- ITU-T G.8271, « Network Limits for Time Synchronization in Packet Networks, » International Telecommunications Union, octobre 2017.
- 3GPP, « TR 36.932 V16.0.0; Scenarios and requirements for small cell enhancements for E-UTRA and E-UTRAN », Tech. Rep., 3GPP, juil. 2020.
- L. M. P. Larsen, A. Checko et H. L. Christiansen, « A Survey of the Functional Splits Proposed for 5G Mobile Crosshaul Networks, », dans IEEE Communications Surveys & Tutorials, vol. 21, n° 1, pp. 146-172, Firstquarter 2019, doi: 10.1109/COMST.2018.2868805.
- 3GPP, « TR 38.913 V16.0.0: Study on Scenarios and Requirements for Next Generation Access Technologies. » 3GPP, juil. 2020.
- https://www.itu.int/en/ITU-R/study-groups/workshops/fsimt2020/Documents/2-Wireless%20X-Haul%20Requirements.pdf